CHAPITRE III
Enfin un réseau de distribution cohérent.
Le canal est achevé et mis en eau de 1874 à 1878.
L’eau arrive à Ajaccio au lieu-dit Canneto dans un bassin d’épuration de 1000 m3 situé derrière l’ancien couvent des Capucins. Le parcours se poursuit ensuite jusqu’au bassin de stockage de 3000 m3 au lieu dit Castelargo (actuel parc Cuneo), sur la falaise qui surplombe le cours Napoléon à hauteur de l’actuelle église Saint-Roch.
Image 16 : plan de situation de l’arrivée du canal de la Gravona et de l’adduction de Lisa en ville.
Des 1000 litres par seconde captés à la prise d’eau à la cote 95, seulement 93 L.s-1 arrivent au réservoir de Castelargo (3000 m2) à la cote 36 et s’ajoutent aux 5 L.s-1 de l’adduction des sources de Lisa.
Comme l’avaient prévu les ingénieurs dans l’avant-projet de 1860, l’eau du canal va s’avérer impropre à la consommation, ce qui n’est pas surprenant pour un canal à ciel ouvert qui reçoit le ruissellement des eaux de pluie, le bétail buvant, et toutes sortes de corps étrangers. Il faut ajouter à tout cela l’incivilité des riverains du canal avant son entrée en ville : il est arrivé que des femmes lavent leur linge le long des parois bétonnées !
Aussi toute communication
entre les réservoirs de la Gravona et les conduites des eaux de Lisa
est interrompue dès 1898.
Ajaccio dispose dès lors d’un réseau public cohérent
de distribution des eaux. Pourtant celui-ci reste fortement tributaire de nombreux
aléas. Les incivilités des riverains et usagers du canal, le forage
de puits de particuliers en amont des sources de Lisa, le mauvais entretien
des ouvrages et des conduites ont pu conduire dans les périodes les plus
sombres à la pénurie. En 1898, les fontaines rouges, seules sources
d’eau potable ont même cessé de couler plusieurs semaines
au moment de l’étiage. Ce réseau, amélioré
dans les années 30, fonctionnera jusqu’en 1964.
Image 17 : fontaine rouge
à l’entrée de la rue Fesch, devant l’enseigne
NACER. |
Elle est distribuée
par 57 bornes-fontaines rouges qui s’alimentent au réservoir de la caserne Abbatucci (300 m3), ainsi qu’à la fontaine au pied du réservoir lui-même. Tant que le nombre d’habitants l’a permis, le réservoir n’était rempli qu’une fois par an, lorsque les eaux de sources sont les plus pures. Il fallut par la suite le remplir toutes les nuits. |
Images 18 et 19 : fontaine au pied de l’escalier de la caserne Abbatucci, entrée du Cours Napoléon. Plan des conduites aux robinets.
Non potable, distribuée par 27 bornes-fontaines de forme et de couleur différente des bornes de la Lisa pour ne pas les confondre avec les bornes d’eau potable. 50 l.s-1 sont réservés aux fontaines ainsi qu’aux administrations qui bénéficient d’une prise d’eau gratuite. L’eau est stockée dans le réservoir de Castelargo. (Parc Cunéo). En été les fontaines ne fonctionnent que de 6 à 17 heures, le reste du temps l’eau du canal étant réservée à l’irrigation. L’eau de la Gravona n’était pas seulement distribuée par le réseau des fontaines publiques : il était possible de souscrire un abonnement, on parle à l’époque de concessions. Il en existe trois types :
Image 20 : deux fontaines sur la Piazzetta : bordant le cours, la fontaine de la Lisa et coté rue Fesch (entourée des trois femmes en noir), la fontaine de la Gravona.
II ) Une gestion difficile du canal
Après sa mise
en service, le canal est entretenu par les Ponts et Chaussées. Malheureusement,
cette situation ne va pas durer. En effet, en vertu du décret impérial,
le canal doit être remis à la ville, qui le reçoit de l’Etat
le 15 février 1879, ainsi que l’entretien de l’adduction
des eaux de sources.
Image 21 : procès verbal de remise du canal par l’Etat à la ville.
Miss Campbell est la première abonnée à souscrire une prise d’eau auprès de la municipalité, le 28 février 1879, pour « arrosage de terres ». Elle souscrira plus tard une seconde prise d’eau domestique pour alimenter sa propriété du Cours Grandval, la Tour d’Albion. En 1886 elle dépose une réclamation car il n’est pas rare que l’eau n’arrive plus. Elle demande en conséquent la gratuité de la taxe. L’ingénieur reconnaît que la propriété étant située à la même cote que le réservoir, il n’est pas surprenant que l’eau y parvienne difficilement. Il préconise de réduire la taxe de moitié. Le conseil municipal propose, lui, « la réduction complète, pour rendre hommage à l’intérêt que Miss Campbell n’a cessé de porter à la ville. »
Image 22 : liste des premiers abonnés aux eaux du canal.
Après quelques années de gestion, il est évident qu’il est trop difficile pour la municipalité d’entretenir correctement le canal.
Les conduites sont d’un diamètre insuffisant pour répondre au nombre grandissant de concessions octroyées. Le champignonnage1 en réduit encore le débit. Il est difficile de percevoir convenablement les recettes et donc de financer l’entretien et l’amélioration de la distribution.
La ville va donc chercher
à concéder le canal.
a) Mesure, premier concessionnaire
L’ingénieur Mesure devient concessionnaire du canal en 1886.
Il ne pense qu’à profiter des ressources du canal sans exécuter son contrat.
En 1898, la ville fait établir un rapport sur l’état du canal [5]: le constat est édifiant et décrit non sans humour par l’architecte Barthélemy Maglioli : « Les aqueducs suintent de tous les côtés,[…] à Volta la Fica on peut admirer une véritable cascade, au siphon de Suartello sont établis dans les fentes, des morceaux de roseaux qui servent de robinet et alimentent ainsi les passants. A Mezzavia, des cuves sont placées sous les arceaux de l’aqueduc et se remplissent en quelques heures. Les lézardes sur les parois du canal sont en nombre infini et laissent pousser toutes espèces de végétations.[…]
Les réparations qui ont été effectuées sont de nature à faire voir comment le concessionnaire entend l’entretien du canal: le ciment y est remplacé par des chiffons. [Sur le barrage] La grande vanne ne fonctionne plus [elle va] bientôt tomber et rejoindre dans la rivière les quelques voussoirs de couronnement qui y sont déjà. Si un engorgement quelconque se produisait à la grande décharge des bassins d’arrivée en ville, le détournement des eaux ne peut se faire nulle part, impossible au concessionnaire, non pas de faire fonctionner, mais seulement de faire bouger la vanne du barrage. Aux divers autres points où cette opération peut se faire, les vannes sont pourries ou n’existent plus. Reste le siphon des Padules, dans le cas le plus optimiste où ce siphon fonctionnerait imparfaitement. A ce point l’opération serait tellement difficile que tout le quartier du Palais de Justice serait complètement inondé. En présence de toute l’incurie, l’insouciance et le sans-gêne du concessionnaire, il est non seulement utile mais absolument indispensable [que le canal] reste désormais confié à la municipalité. »Peu après la rédaction de ce rapport, la situation s’aggrave encore lorsque les fontaines et les prises domestiques se mettent à débiter de l’eau sale chargée de toutes sortes d’impuretés. Les causes de ce grave problème d’hygiène sont vite découvertes : Le canal a fini, faute d’entretien, par s’obstruer complètement juste après le barrage. Pour masquer le fait que l’eau de la Gravona n’arrive plus en ville, Monsieur Mesure a introduit dans le canal les eaux provenant du ruisseau d’Acqualonga qui sert de déversoir aux habitants de la plaine.
Le maire fait placarder dans toute la ville, un avis de mise en garde. Parallèlement le conseil municipal vote un arrêté stipulant que la ville récupère la gestion du canal face à ce cas de force majeure.
Image 23 : affiche informant la population du risque d’utiliser l’eau du canal.
Bien que la gestion de l’ingénieur Mesure soit des plus malhonnêtes et déplorables, il n’est pas l’unique responsable du manque récurrent d’eau en ville. L’irrigation aux heures ou dans les zones interdites, les prises d’eau illégales provoquent des discontinuités dans l’alimentation de la ville.
L’avant-projet de 1860 prévoyait que soit installée sur la jetée du Margonajo, une borne-fontaine munie d’un robinet pour le ravitaillement des bateaux.
Image 24(ci-contre) : un vestige de l’approvisionnement en eaux des locomotives à vapeur en gare d’Ajaccio.
La création de l’actuelle rue Jean-Jerôme Levie ainsi que les travaux de terrassement pour l’aménagement de la gare entraînent une réorganisation des conduites qui passaient dans ce secteur et de la borne fontaine de la jetée. Les travaux sont commandités par les Ponts et Chaussées qui réinstallent une fontaine à débit continu, se déversant en pure perte à la mer. La gare elle-même est dotée dès 1882, d’une prise d’eau d’un débit considérable. Ces travaux désorganisent complètement le réseau de distribution du quartier de la Barrière.
Un compromis n’est trouvé qu’en 1890
après intervention du préfet.Acculé par la justice, l’ingénieur Mesure doit finalement vendre son droit de concession à une autre société…
Image 25 : la jetée du Margonajo et le quartier de la gare.
La compagnie pour l’éclairage des villes reçoit le canal en concession en 1904.
Elle propose un programme ambitieux de rénovation et de développement de la distribution. La commune exercera désormais un droit de regard.
La compagnie envisage de remplacer la prise d’eau par un nouveau barrage-réservoir sur la Gravona qui fournirait une chute d’eau pour produire de l’électricité.
En 1909, deux réservoirs sont construits près de la chapelle Peraldi à la
cote 80 pour alimenter les hauts quartiers où s’installent hôtels et propriétés. Ils n’entreront en fonction qu’en 1919. Une machine à vapeur actionne une turbine qui alimente une pompe refoulant l’eau à la cote 80. Dès lors 439 abonnés auront de l’eau 24 heures sur 24 et 83 ares seront irrigués le long de la route du Salario.La presque totalité des conduites urbaines sont remplacées.
Le grand défi de la Compagnie est de résoudre l’épineux problème des abus commis par les usagers. Certains abonnés laissent leur arrivée d’eau s’écouler sans interruption dans les corails2 alors qu’ils sont tenus d’installer un robinet.
La population a tendance à utiliser l’eau potable à la place de l’eau domestique. On a pensé un temps à faire surveiller en été, par les forces de l’ordre, l’abord des fontaines pour empêcher les femmes de remplir leur barroletta3 d’eau potable ou tout autre ustensile de plus de 10 litres.
Image 26 : lettre d’un abonné à la compagnie pour l’éclairage des villes.
Image 27 : réponse de ladite société.
La municipalité, pour des raisons évidentes de popularité, tarde à autoriser la compagnie concessionnaire à installer des compteurs. Dominique Paoli, Maire d’Ajaccio, propose d’installer, à la rigueur, des compteurs collectifs dans chaque portail, ce qui est bien sur irréalisable et inutile. Finalement, le projet de la compagnie est annulé en vertu du règlement en vigueur depuis trente ans et qui stipule que la vente de l’eau se fait sans jaugeage.
Le concessionnaire est confronté au problème des prises d’eau clandestines des riverains du canal et aux difficultés d’engager les travaux d’entretien à la charge de la mairie. Il est également confronté aux difficiles relations avec les autres communes traversées par la dérivation. Ces deux problèmes relèvent respectivement de la municipalité et de la préfecture. Chacune minimise le problème qui lui incombe.
Image 28 : plan de l’arrivée du canal en ville et conduites partant des réservoirs jusqu’aux bains. |
En 1923 on
peut lire dans un courrier du préfet adressé au maire d’Ajaccio
:
« [Le préfet transmet les] observations faites à la Ville d’Ajaccio par Monsieur le Ministre de l’Agriculture [qui déclare que] Si l’eau ne parvient parfois à Ajaccio qu’en toute petite quantité, cela tient bien plutôt aux abus de jouissances des arrosants du canal qu’à l’usage que font, des eaux de la Gravona, des riverains supérieurs. […] dans la ville, la municipalité permet le gaspillage en tolérant qu’en maints endroits l’eau coule à jet continu ou serve à actionner une turbine pour le cinématographe. Ailleurs elle ne veille pas à l’entretien du canal, qui est plus ou moins ensablé à la prise, a de nombreuses fuites et n’est pas nettoyé. » Le Maire, Jerôme Peri lui répond : « Le débit du canal est suffisant en toute saison pour les besoins de la commune d’Ajaccio, mais il n’en est plus ainsi pendant les mois de juillet, août et septembre, à cause du détournement des eaux fluviales opéré par les communes riveraines situées en amont du canal. Ces communes, en effet, |
depuis quelques années, surtout, construisent sur toute la longueur du fleuve, à l’époque des fortes chaleurs, des barrages en pierre et mousse, parfaitement étanche, accaparant ainsi, à leur profit exclusif, la presque totalité de l’eau du fleuve. A ce sujet, je me permets de vous rappeler, Monsieur le Préfet, les démarches, pour ainsi dire journalières, que je dois faire auprès de vous, chaque année, en été, pour vous prier de donner des instructions aux services des Ponts et Chaussées et aussi à la Gendarmerie pour la destruction des nombreux barrages, les essais d’entente amiable avec les communes intéressées ayant été vaines. De plus le gaspillage d’eau signalé dans Ajaccio Ville, par suite de l’installation d’une turbine pour cinématographe, n’est pas à retenir, cette turbine étant actionnée par le trop plein des réservoirs et l’eau étant ensuite utilisée pour les besoins de l’établissement des bains4 et lavoir municipal. Enfin le canal a été réparé et curé, les quelques bornes-fontaines qui sont en mauvais état seront remplacées par des neuves. »
La concession à la compagnie pour l’éclairage des villes n’est pas renouvelée.
En 1924 le nouveau concessionnaire est un homme qui marquera l’histoire industrielle de la ville. Louis Davin, administrateur délégué de la Société Corse d’Industries Réunies réalisera pour le compte de la municipalité, l’usine électrique à gaz qui éclairera la ville à partir de 1926. Il est également directeur de la manufacture de tabacs Alban.
En 1926, il fait effectuer une réfection des conduites des eaux de Lisa, et capte deux nouvelles sources sur cette adduction.
En 1928, la réalisation du réservoir du Stiletto permet à la ville de disposer d’une réserve d’eau suffisante lorsque le canal est mis en chômage lors d’un curage par exemple [6].
En 1931, un ambitieux projet de conduite forcée de 12 Km, partant de Baleone est envisagé. D’un diamètre calculé pour apporter 95 L.s-1 jusqu’en ville, cette conduite permettrait de court-circuiter les irrigations et d’éviter ainsi les fluctuations du débit dues à l’arrosage. Les eaux de la Gravona seraient rendues potables d’abord car l’eau ne serait plus conduite à ciel ouvert sur le tronçon péri-urbain, mais surtout par un dispositif de verdunisation5 à l’arrivée des eaux.
Malheureusement la ville croule sous les dettes et n’est pas éligible au crédit d’Etat pour les adductions d’eau potable financé par le fonds du Pari Mutuel. Le projet ne verra jamais le jour.
En 1938, les eaux de la Lisa sont stérilisées au chlore gazeux. Le dispositif est installé à Castelargo. Toutes les fontaines de cette adduction, en amont du dispositif, sont supprimées, ce qui prive les quartiers de la Villette et du Vittulo d’eau potable.
L’entretien du canal laisse toujours à désirer et un procès oppose la ville à la société.
Le 8 avril 1946, la loi de nationalisation des secteurs de l'énergie est promulguée par le Général De Gaulle. Les biens des entreprises de production, de transport et de distribution de l'électricité sont transférés à la société Electricité de France qui devient un établissement public d'Etat. EDF réalise le curage du canal en 1947.
C’est également à cette époque qu’est inaugurée l’usine de traitement de Canneto autour des bassins historiques d’épuration. L’eau de la Gravonna va enfin devenir potable après traitement par stérilisation gazeuse, floculation, décantation et filtrage sur sable.
Réticente à boire de l’eau de rivière, la population continuera à tort, à fuir les bornes de la Gravona et à préférer celles de la Lisa dont l’adduction, mal entretenue, ne garantit pourtant pas la qualité attendue des eaux de sources.
L’entretien du canal et la distribution des eaux sont conjointement assurés par EDF, la Municipalité et la Compagnie des Eaux et de l’Ozone avec laquelle la ville sous-traite certains travaux.
A la fin des années 50, l’essor démographique, la diminution du débit des sources, les difficultés d’exploitation inhérentes à un canal à ciel ouvert traversant des propriétés agricoles conduisent la Municipalité à envisager une nouvelle ressource d’approvisionnement. Le projet de conduite forcée sur
25 Km depuis le barrage de production d’électricité de Tolla sur le Prunelli est arrêté. Pour en financer les travaux, le maire d’Ajaccio Antoine Serafini réalise alors un coup de maître. Il vend, en 1961, le canal de la Gravona à une association syndicale des propriétaires riverains pour 4 028 774 Francs (soit 5 327 167 Euro actuels) afin qu’ils utilisent le canal comme source d’irrigation. Une remise de 40 % est accordée sur le prix de vente (les fonds sont avancés au syndicat par l’Etat sous forme de prêt) en échange d’un droit d’eau de 100 L.s-1 pour l’alimentation de la ville et la garantie que la totalité des eaux du canal puissent être réquisitionnées en cas d’incident sur le barrage de Tolla.Le syndicat se souciant peu de maintenir le canal en bon état, la municipalité en reprend l’entretien qu’elle confie à son nouveau concessionnaire des eaux de consommation.
En 1963, la CEO, nouveau concessionnaire des eaux d’Ajaccio, délègue deux employés pour l’entretien du canal dont le salaire est pris en charge par la ville. Ils y consacreront leur carrière. Le canal doit être sans cesse parcouru, les berges débroussaillées, le niveau de l’eau contrôlé et réglé en fonction du débit constaté à l’usine de Canneto, mais aussi par anticipation des conséquences des précipitations. Les grilles qui évitent que certains ouvrages soient obstrués par les déchets drainés par les eaux doivent être nettoyées tous les deux jours. Ils exercent également un pouvoir de police pour empêcher les abus des riverains qui ne peuvent établir des prises d’eau que 20 cm au-dessus du radier6.
En 1964, l’eau du Prunelli arrive depuis Tolla jusqu’à la toute nouvelle usine de traitement du Salario (cote 115) qui emploie à peu près les mêmes procédés de potabilisation que l’usine de Canneto (cote 40). Cette nouvelle ressource permet d’augmenter encore la quantité d’eau distribuée en gravitaire et de mettre fin au fonctionnement des dispendieuses pompes de refoulement qui alimentaient les bassins de la chapelle Peraldi (cote 90). L’adduction du Prunelli apporte surtout 595 litres par jour et par habitant. Dès lors, les abonnements aux particuliers vont se démocratiser. Ils avaient jusque-là été freinés par les difficultés d’approvisionnement en eau de la Gravona qui n’arrivait pas toujours aux étages et se tarissait aux périodes d’étiage. Les fontaines publiques devenant de fait inutiles, elles vont malheureusement très vite disparaître. Une page de l’histoire de la ville est tournée…
L’entretien du canal et de l’usine de Canneto qui produit l’eau distribuée dans les quartiers Saint Charles et Trois Maries (stockée dans les réservoirs de Castelargo), reste indispensable. En effet, l’alimentation en eau de la ville est dépendante du bon fonctionnement de la prise du barrage de Tolla. Quelques incidents se produiront sur le barrage jusqu’en 1978 qui obligeront la CEO à réutiliser l’usine de Canneto et donc l’eau du canal de la Gravona, comme source principale d’alimentation d’Ajaccio.
En 1981, la réalisation de deux forages à Pisciatello dans la nappe alluviale du Prunelli, ainsi que la réalisation en 1987, d’un puits à Baleone dans la nappe alluviale de la Gravona permettent d’augmenter la ressource de 162 litres par jour et par habitant. Dès lors la ville n’est plus tributaire du canal en cas d’incident à Tolla.
Le canal de la Gravona ainsi que l’usine de Canneto cessent d’être exploités. Le canal a donc alimenté la ville en eau durant un peu plus d’un siècle.
Le canal est de nouveau confié à une association de riverains irrigants qui en assurent correctement l’entretien durant quelques années mais très vite le canal sera négligé par les riverains bien que cette source d’eau d’arrosage abondante et traversant leurs propriétés, leur soit des plus précieuses.
En 1988, la Mairie envisage de faire classer le canal Monuments Historique et de permettre à une entreprise de créer une chute d’eau pour produire de l’électricité afin de la revendre à EDF. Le projet n’aboutit pas.
Dans les années 90, l’association des riverains, associée à la municipalité, décide d’un grand nettoyage du canal pour rattraper les années d’abandon. Contrairement aux employés de la CEO qui prenaient soin de couper les végétaux au lieu de les arracher, l’association attaque la broussaille à la pelleteuse : le bétonnage des berges est emporté en même temps que la mauvaise herbe. Cette action malheureuse sonne le glas du canal. Devenu perméable de tous côtés, le canal cesse complètement de couler vers 1995, et ce, probablement définitivement.
III ) La distribution de l’eau
aujourd’hui
Depuis la fin de l’exploitation du canal par la CEO vers 1985, l’eau de la ville provenait de l’adduction du Prunelli et l’eau de la périphérie de la cité provenait soit du puits de Baleone, soit du forage de Pisciatello.
En 1996, pour se mettre en conformité avec les normes européennes, il est plus judicieux de construire une nouvelle usine que de moderniser celle du Salario. L’usine de la Confina est inaugurée en 1999. Située en un point où convergent les trois ressources d’approvisionnement, elle permet après traitement, le mélange des trois ressources pour distribuer la même eau, une des meilleures de France, à tous les abonnés du grand Ajaccio.
L’usine de la Confina débite 800 litres par habitant et par jour pour une consommation de 250 litres par jour et par habitant. Que de progrès depuis les 4 litres par jour et par habitant de la première adduction du Canneto, fêtés dans la liesse au XIXe siècle !